Ce bref ouvrage invite à une réflexion épistémologique sur les possibles de l’anarchie. Il s’agit pour Alberto Giovanni Biuso de reprendre à la racine – c’est à dire dans leur sédimentation anthropologique – toutes les manifestations politiques contrariant l’émancipation des individus.
Le point de départ de l’ouvrage est l’irréductible animalité des êtres humains : de nombreuses facultés « collaboratives comme conflictuelles » (p. 6) sont inscrites dans des rapports biologiques profonds. Et c’est bien sur la question de la violence que doit se focaliser une anthropologie anarchiste visant à saisir le concret des rapports sociaux. Plutôt que de situer la frontière entre nature et culture, Alberto Giovanni Biuso préfère « se limiter à décrire les motivations phylogénétiques de l’action et l’appartenance de l’Homo sapiens, en tout et pour tout, à la nature » (p. 9). La « contribution de Pierre Clastres » (p. 11) est décisive pour reconsidérer les notions de pouvoir et de conflit, même dans cette perspective du genre humain pris comme pure entité biologique. En suivant l’auteur de La Société contre l’État, il convient de « refuser tout déterminisme évolutionniste ». Toutefois Biuso récuse la position « ingénue » (p. 12) de Clastres quant à la possibilité de saisir l’ordre humain à partir de la seule sociologie, préférant une réinscription zoologique plus générale. Chez Clastres, les réflexions sur la guerre (comme principe d’identification et de différenciation des groupes) et sur la figure du « chef » (qui est d’abord un « travailleur » sans pouvoir sur le « corps social) offrent la possibilité de penser la variété des « groupes autonomes » (p. 16) comme point de renversement des logiques de domination. Le corps est le lieu à partir duquel se construisent les cultures. Contre les éducations moralistes, Biuso envisage un point de vue libertaire sur la pédagogie, tiré de « l’évolution culturelle » : « la liberté de l’individu et la contribution de l’intelligence de chacun à la vie de la communauté » (p. 22).
Au fondement d’une anthropologie anarchiste se situe donc une attention soutenue au conflit. Biuso distingue l’agressivité (dont l’origine serait biologique) de la guerre (qui serait une expression culturelle) (p. 23). Dans le travail d’adaptation des individus à leur environnement, la temporalité du biologique est bien plus longue que celle du culturel. L’enjeu est alors de « diminuer l’importance et la fonction de la violence gratuite » au profit du « jeu gratuit de la connaissance » (p. 27). Ce point est crucial dans l’argumentation